J’avais découvert le nom de Wherwell en feuilletant The Most Beautiful Villages of England de James Bentley, magnifiquement illustré par les photos de Hugh Palmer.
Un nom un peu étrange, au parfum ancien, qui évoquait déjà un village sorti d’un conte.
Quelques semaines plus tard, le hasard s’en mêla : un samedi de la fin août, nous devions assister à une réunion de famille à Andover.
En traçant l’itinéraire, j’ai réalisé que Wherwell se trouvait sur la route.
Le plan était simple : partir un peu plus tôt, profiter du soleil annoncé, et faire escale dans ce village dont les toits de chaume m’avaient tant fait rêver.

A Wherwell. Toutes photos © French Moments sauf mentions contraires.
Wherwell : un village de chaume et de pierre
Nous avons garé la voiture dans la High Street, sous un ciel bleu lavé par la lumière d’après-pluie.
The White Lion Inn
En face, le pub du village, le White Lion Inn, attirait le regard avec sa belle façade de briques rouges et son enseigne suspendue au-dessus de la porte.

Daté de 1611, cet ancien relais de poste occupe une place centrale dans le village.
Il fut, dit-on, frappé par un boulet de canon pendant la guerre civile — la relique est aujourd’hui accrochée à l’intérieur, près du bar.
Le pub est connu pour sa cuisine simple et ses cidres locaux, prisés des marcheurs du Test Way et des habitants de Wherwell.
Lors de notre passage, il était malheureusement fermé pour rénovation : fenêtres voilées, échafaudages dressés, silence autour.
Pourtant, même ainsi, il conservait ce charme indéfinissable des vieilles auberges anglaises, promesse de soirées animées et de rires autour du feu.
Flânerie dans le village
De là, il suffisait de quelques pas pour comprendre pourquoi Wherwell figure parmi les plus beaux villages du Hampshire.
Les cottages à colombages noirs et blancs alignent leurs façades comme dans un décor de film, et leurs toits de chaume blond peuvent parfois descendre si bas qu’ils effleurent presque le sol.

A Wherwell, même les garages ont leur toit en chaume !
Le chaume se courbe avec grâce au-dessus des lucarnes, comme une couverture chaude posée sur chaque maison.
L’Old Malt House, Gavel Acre, Aldings — autant de noms qui semblent sortis d’un roman de Thomas Hardy.
Sur la petite place, le War Memorial veille sur une scène immobile : façades blanches, jardin fleuri, silence entrecoupé par le glouglou de la River Test toute proche.

Les visiteurs du monde entier reconnaîtront cette vue du monument aux morts de Wherwell.

Les visiteurs du monde entier reconnaîtront cette vue du monument aux morts de Wherwell.
Pour trouver les "thatched cottages" les plus pittoresques, il faut emprunter Church Street, la rue qui mène à l'église.
Nous avons admiré des maisons qui font partie des plus anciennes du village, datées du XVe siècle.









La rue traverse la Test. Cette rivière mythique, célèbre pour la pêche à la truite, coule en contrebas, séparant Wherwell de son voisin Chilbolton.
Pour admirer d'autres maisons à pans de bois et au toit de chaume, rendez-vous sur High Street et Fullerton Road.





L’abbaye de Wherwell, la reine et le repentir
Mais sous ce calme se cache une histoire autrement plus tourmentée.
En l’an 986, la reine Ælfthryth (Elfrida) fonda ici une abbaye bénédictine — non par piété, mais par remords.
Huit ans plus tôt, elle avait fait assassiner son beau-fils, le jeune roi Edward, à Corfe Castle, afin d’assurer la couronne à son propre fils, Ethelred le “Malavisé”.
La légende raconte qu’elle ne retrouva jamais la paix, et qu’elle fit bâtir ce monastère comme un acte de pénitence, au bord de la rivière.
L’abbaye de Wherwell fut détruite en 1539, lors de la Dissolution des monastères ordonnée par Henri VIII.
À sa place se dresse aujourd’hui The Priory, une élégante demeure du XIXᵉ siècle, coiffée d’un dôme et d’un porche toscan. Son parc, vaste et paisible, occupe l’ancien terrain sacré. (on ne visite pas !)
L’église St Peter & Holy Cross, reconstruite en 1856 par Henry Woodyer, garde encore des fragments médiévaux : une Noli me tangere du XIVᵉ siècle, une Harrowing of Hell, et la tombe d’une abbesse.

L’église St Peter & Holy Cross

L'intérieur de l'église
C’est là que repose aussi Sir Owen West, mort en 1551 — comme un écho à l’ancienne noblesse monastique.

Monuments funéraires dans l'église

Monument funéraire dans le cimetière de l'église
La Wesleyan Chapel : ce temple de Sa grâce
Non loin de là, dans la Grand Rue, se cache un autre témoin du passé spirituel du village : la chapelle méthodiste wesleyenne.

La chapelle méthodiste wesleyenne
Le méthodisme fit son apparition à Wherwell vers 1816, à l’époque où quelques fidèles se réunissaient dans deux cottages modestes.
En 1846, la petite communauté décida de bâtir une véritable chapelle.
Mais les propriétaires terriens anglicans refusaient de céder le moindre terrain à ces « dissidents ».
C’est alors qu’un homme, Charles Batt, acheta une parcelle au centre du village.
On lui proposa le double du prix pour la lui racheter et empêcher la construction.
Il refusa. Grâce à sa détermination, la chapelle wesleyenne vit le jour.

La plaque de 1846
Le cockatrice : le monstre de Wherwell
Mais Wherwell ne serait pas tout à fait Wherwell sans sa légende du Cockatrice.
Tout commença, dit-on, lorsqu’une canne pondit un œuf dans la crypte de l’abbaye.
Un crapaud vint le couver, et de cette union improbable naquit une bête effroyable :
corps de coq, ailes de chauve-souris, queue de serpent.
Les villageois, fascinés, élevèrent la créature comme un animal de compagnie… jusqu’au jour où elle réclama de la chair humaine.

On promit alors quatre acres de terre à quiconque parviendrait à la tuer.
Beaucoup y laissèrent la vie, jusqu’à ce qu’un certain Green imagine un stratagème.
Armé d’une plaque de métal polie comme un miroir, il la plaça dans le repaire du monstre.
À la vue de son propre reflet, le Cockatrice entra en fureur et se jeta contre l’image jusqu’à l’épuisement.
Green planta alors sa lance et libéra le village.
La promesse fut tenue : les quatre acres de terre, appelées Green’s Acres, existent encore dans la forêt de Harewood.
La girouette représentant la bête, jadis fixée sur l’église, est aujourd’hui conservée au musée d’Andover.
Marcher au bord de la Test
Après avoir flâné entre High Street et Church Street, nous avons quitté Wherwell à regret.
Le temps nous manquait pour explorer les sentiers alentours : le Test Way, le Cow Common, ou encore les passerelles vers Chilbolton.

La rivière Test
J’avais repéré les « beaux coins à photographier » sur Google Street View, mais comme toujours, le terrain réserve ses surprises : un reflet, un jardin, une belle porte qui ne figurait pas sur la carte.

Le vieux porche d'une des plus vieilles maisons du village
Une heure suffit à peine à goûter la sérénité du lieu.
Avant de partir, j’ai noté qu’à quelques minutes de route, le village voisin de Chilbolton méritait lui aussi la visite : ses maisons à toits de chaume bordent la Village Street, tout aussi photogénique que sa sœur jumelle au-delà de la rivière.
En conclusion
Wherwell, c’est un peu une Angleterre miniature : une rivière, des toits de chaume, une reine repentante, un dragon légendaire et une poignée de fidèles obstinés.
On y sent battre à la fois le cœur du passé et celui d’un village vivant, où le temps semble simplement s’être arrêté — le temps d’une balade, d’une photo, ou d’un conte au bord de l’eau.

Les bords paisibles de la River Test
Venir à Wherwell
Wherwell se situe dans le Test Valley, au cœur du Hampshire, à environ 5 km au sud d’Andover et à une trentaine de kilomètres au nord de Winchester.
Le village est facilement accessible en voiture par la route A3057, qui relie Andover à Romsey en longeant la vallée de la rivière Test.
Depuis Londres, comptez moins de 2 h de trajet (110 km) via la M3, sortie 8 direction Andover.
Le centre du village étant étroit, il est conseillé de se garer le long de la High Street ou près du War Memorial, d’où l’on peut explorer à pied les charmantes ruelles bordées de cottages à toits de chaume.
- 210 km de Portsmouth (Terminal Ferry) - environ 2h10 min de route
- 70 km de Folkestone (Terminal Eurotunnel) - environ 1h25 de route
- 17 km de Winchester (22 min)
- 40 km de Southampton (40 min)
- 110 km du centre de Londres (1h50)