Maison Tudor - Belles villes anglaises: Cathedral Close in Winchester © French Moments
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Pierre

DERNIÈRE MISE À JOUR : 22 avril 2025

A la découverte du style Tudor en Angleterre

Je me souviens encore de la première fois où j'ai entendu le mot "Tudor".

C'était dans un guide de voyage anglais, avec une photo d'une maison noire et blanche toute biscornue, perchée au bord d'une ruelle pavée.

Le genre de maison qu'on imagine dans un conte ancien, avec une vieille dame qui fait bouillir une soupe au feu de bois et un chat à l'air méfiant posé sur le rebord de la fenêtre.

Sauf qu'en réalité, je n'avais aucune idée de ce que ce mot voulait dire.

Tudor ? Un style ? Une époque ? Un roi peut-être ?

Et puis avec le temps, au fil des balades dans les villages anglais, dans le Sussex ou ailleurs, j'ai commencé à comprendre.

Ou plutôt à ressentir.

Car le style Tudor, ce n'est pas juste une façon de construire des maisons.

C'est tout un univers. Une ambiance.

Quelque chose d'à la fois robuste, ancien, et pourtant chaleureux.

Un peu comme si le Moyen Âge n'était pas tout à fait parti, mais qu'on avait décidé d'ajouter quelques touches de modernité ici et là, histoire de préparer la Renaissance.

Winchester © French Moments

Maisons à pans de bois dans la High Street de Winchester © French Moments

Alors aujourd'hui, j'avais envie de vous embarquer avec moi dans cette découverte.

Pas une leçon d'histoire ennuyeuse, rassurez-vous. Plutôt une promenade entre briques rouges, poutres de chêne, cheminées monumentales et toits penchés.

Avec, en toile de fond, toute une époque : celle des Tudors.

Une dynastie pas franchement connue en France, et pourtant... sans eux, pas de Shakespeare, pas de scission avec Rome, pas de Reine vierge au ruff volant et aux portraits raides comme la mort.

Bref, pas l'Angleterre telle qu'on la connaît aujourd'hui.

Mais je vais trop vite. Reprenons. Vous avez déjà vu ces maisons, j'en suis sûr.

Dans des reportages sur les villages anglais. Dans certaines séries historiques. Peut-être même en vrai, si vous êtes allés du côté de Lavenham ou de Stratford-upon-Avon.

Ces maisons à pans de bois, avec l'étage qui dépasse un peu, comme si elles se penchaient légèrement vers la rue pour observer les passants.

Eh bien, ce sont des maisons Tudor. Enfin, souvent.

Parce qu'on va voir que le style a évolué, qu'il a été copié, transformé, parfois même trahi.

Allez, partons à la découverte de l'architecture Tudor en Angleterre !

Une époque de rois inquiets et de cheminées fumantes

Quand on parle du "style Tudor", il faut d’abord savoir de qui on parle. 

Parce que bon, soyons honnêtes : pour la plupart d’entre nous, les Tudors, c’est un mot vaguement historique, un truc entendu dans une série Netflix, ou dans un documentaire qu’on n’a pas regardé jusqu’au bout.

Pourtant, ils ont régné sur l’Angleterre pendant un peu plus d’un siècle — entre 1485 et 1603, si on veut être précis — et ce qu’ils ont laissé derrière eux, ce n’est pas juste un style de maison.

C’est tout un climat. Une façon de voir le monde. Une Angleterre en train de se transformer, sans vraiment savoir encore vers quoi.

Henri VII

Henry VII

Tout commence avec Henri VII, le fondateur de la dynastie.

Un roi pas franchement flamboyant, mais malin comme un renard.

Il arrive au pouvoir après des années de guerre civile – la fameuse guerre des Deux-Roses – et il passe son règne à reconstruire un royaume exsangue, tout en consolidant son pouvoir en douce.

Il pose les fondations, au sens propre comme au figuré.

Henri VIII

Henry VIII in 1491

Mais c’est son fils, Henri VIII, qu’on retient.

Le roi aux six épouses, celui qui a claqué la porte de l’Église catholique juste parce que le Pape refusait d’annuler son mariage. (Enfin, officiellement. Disons que la vérité est un poil plus compliquée… et beaucoup plus sanglante.)

Sous son règne, on commence à voir surgir ces fameuses demeures en briques rouges, massives, avec des cheminées monumentales et des jardins clos.

Des maisons pour nouveaux riches, pour courtisans ambitieux, pour ceux qui venaient de récupérer les terres des monastères dissous.

Élisabeth Ire

Elizabeth I

Et puis vient Élisabeth Ire, la "Reine Vierge", icône figée dans ses portraits à collerette.

Sous son règne, c’est l’âge d’or : Shakespeare, les explorations, la poésie, les complots aussi.

L’Angleterre devient puissante, redoutée, presque arrogante.

Mais c’est aussi une époque d’angoisse. La peste n’est jamais loin. L’hiver est glacial.

Et les maisons, même les plus belles, restent sombres, sans vitrage digne de ce nom, avec des murs qui suintent l’humidité.

La Renaissance à la sauce british

Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que cette période Tudor, ce n’est pas la Renaissance flamboyante à la française.

Ce n’est pas Chambord ou Fontainebleau. C’est une transition. Un entre-deux.

L’Angleterre n’a pas encore rompu avec son Moyen Âge. On le sent dans l’art, dans la pensée, et bien sûr… dans l’architecture.

Ah, et j’oubliais un détail important : les Tudors, ce n’était pas que des rois.

C’était aussi toute une société. Des nobles, des marchands, des artisans, des paysans.

Et chacun, à sa manière, a laissé une trace dans le paysage bâti.

Vous verrez, les maisons Tudor, ce n’est pas un seul style. C’est une palette. Du manoir royal au cottage de campagne.

Et c’est justement ce qui les rend si passionnantes.

Bon, assez parlé de rois. Passons aux murs, aux toits, aux poutres. Aux maisons, enfin.

Mermaid Inn, Rye © French Moments

Mermaid Inn (sur la gauche) à Rye avec ses fenêtres en losange © French Moments

D’un coup d’œil, on sait que c’est du Tudor… enfin, presque

Il y a des maisons, quand on les croise, on s’arrête sans trop savoir pourquoi.

Peut-être à cause de leur drôle d’allure, un peu penchée. Peut-être parce qu’elles ressemblent à un décor de théâtre. Ou à une maison de sorcière dans un vieux conte anglais.

Bref, elles intriguent. Et souvent, sans le savoir, on est face à une maison Tudor.

Alors, à quoi reconnaît-on ce fameux style ? Disons-le franchement : ce n’est pas une science exacte.

Mais il y a des signes. Des indices. Comme un langage secret qu’on finit par apprendre à force de marcher dans les villages anglais.

Tudor House Southampton © Peter Trimming - licence [CC BY 2.0] from Wikimedia Commons

La maison Tudor de Southampton © Peter Trimming - licence [CC BY 2.0] from Wikimedia Commons

Des poutres apparentes

D’abord, les poutres apparentes.

Noires ou très foncées, bien visibles, parfois irrégulières.

Elles dessinent un cadre, une ossature.

Et entre elles, du torchis blanc, de la brique enduite, parfois même des motifs en losange ou en zigzag.

Ce contraste noir et blanc, c’est devenu l’image de marque du style Tudor. Sauf que… eh bien ce n’était pas vraiment comme ça à l’époque.

Non. À l’origine, le bois était brut ou traité, et les murs étaient parfois ocre, crème, voire teintés de rose.

Ce fameux look "noir et blanc", c’est venu plus tard, au XIXe siècle, quand on a voulu redonner un "charme ancien" aux maisons.

Midhurst © French Moments

Midhurst © French Moments

Des toits pentus

Mais ce n’est pas tout. Le toit, lui aussi, a son mot à dire.

Souvent très pentu, parfois recouvert de chaume, parfois de tuiles plates, il semble vouloir s’échapper vers le ciel.

Des fenêtres en losange

Et puis il y a les fenêtres : petites, à carreaux, souvent en losange, parfois montées au plomb.

Pas faites pour faire entrer le grand jour. Juste assez pour laisser passer une lueur, une silhouette, un souffle.

Lamberhurst © French Moments

Fenêtres en losange, Coggers Hall, Lamberhurst © French Moments

Des cheminées massives

Et puis… il y a les cheminées.

Ah, les cheminées Tudor ! Majestueuses, massives, en brique rouge, souvent torsadées ou décorées.

Hampton Court Palace © Mike Peel - licence [CC BY-SA 4.0] from Wikimedia Commons

Les cheminées de Hampton Court Palace © Mike Peel - licence [CC BY-SA 4.0] from Wikimedia Commons

Elles trônent comme des tours miniatures.

Parce qu’à l’époque, avoir plusieurs cheminées, c’était un signe de richesse.

On chauffait chaque pièce, ou presque. Enfin… si on avait les moyens.

Pour les autres, on vivait autour du foyer central, tous serrés, à moitié dans la fumée.

Des encorbellements

Un dernier détail, et pas des moindres : l’étage en encorbellement.

Ce fameux étage qui dépasse, qui donne l’impression que la maison se penche légèrement au-dessus de la rue, comme pour mieux observer ce qui s’y passe.

C’est charmant, un peu étrange, et très typique du style.

Sauf qu’au fond, c’était surtout pratique : on gagnait de la place à l’étage sans empiéter sur la rue, et ça permettait d’évacuer l’eau de pluie plus loin du mur de fondation. Malin, non ?

The Red Lion, Chalton © French Moments

The Red Lion, Chalton © French Moments

C'est tout un style, une atmosphère

Alors oui, on pourrait faire une liste exhaustive des éléments architecturaux du style Tudor. Mais ce serait sec.

Ce qu’il faut retenir, c’est surtout l’atmosphère.

Un peu tordue, un peu brumeuse, mais toujours chaleureuse. Comme si chaque maison racontait une histoire — pas toujours gaie, mais toujours ancienne.

Et au fait… vous savez ce qu’on ne trouve pas dans une maison Tudor ?

Des lignes droites. Ou alors très rarement.

Les angles sont bancals, les poutres ont vécu, le sol penche un peu… C’est du vécu, pas du design. C’est ce qui les rend vivantes.

Southampton Tudor House © Martin Falbisoner - licence [CC BY-SA 4.0] from Wikimedia Commons

Maison Tudor à Southampton © Martin Falbisoner - licence [CC BY-SA 4.0] from Wikimedia Commons

Du prestige à la brique : quand les élites construisent en Tudor

Bon, on a vu les poutres, les toits tordus, les cheminées dodues.

Mais attention : toutes les maisons Tudor n’étaient pas des cottages modestes posés au bord d’un chemin de terre.

Loin de là. Chez les puissants, le style Tudor prenait une toute autre tournure. Et là, on parle de grandeur, de démonstration.

De maisons qui n’en étaient presque plus, en fait. Plutôt des mini-châteaux sans tours, ou des palais sans roi. Ou avec roi, justement, parfois.

Là où le paysan construisait avec les matériaux du coin, la noblesse, elle, pouvait se permettre autre chose.

Maisons Tudor à Fletching © French Moments

Maisons à pans de bois © French Moments

La brique anglaise

Et d’abord, un matériau qui sentait bon la nouveauté : la brique rouge.

C’était à la mode. C’était moderne. Et surtout, c’était cher.

Fletching © French Moments

Maisons à pans de bois et briques à Fletching (Sussex) © French Moments

Afficher de la brique en façade, c’était un peu comme rouler en carrosse doré à six chevaux. On voulait que ça se voie.

Les cheminées décorées

Prenez Hampton Court Palace, par exemple. L’un des plus beaux joyaux du style Tudor. Offert à Henri VIII (après qu’il l’a plus ou moins exigé, mais passons), ce palais gigantesque a des cours intérieures, des galeries, des tours carrées, des fenêtres en batterie, et surtout, des dizaines de cheminées décorées, chacune sculptée différemment. Rien que les cheminées sont un poème de brique. Vous imaginez le budget bois de chauffage ?

Ightham Mote © French Moments

La façade sud du manoir de Ightham Mote © French Moments

Mais au-delà de la façade, c’est l’agencement qui en dit long.

À cette époque, on commence à s’éloigner du vieux plan médiéval centré sur la "Great Hall".

Les pièces se multiplient. On segmente.

Il y a des couloirs, des escaliers en vis, des chambres à coucher… et même des lieux "privés", un mot encore nouveau dans les grandes maisons. L’intimité, c’est un luxe, et ça se construit.

Ightham Mote © French Moments

La salle d'honneur (Ightham Mote)© French Moments

Ightham Mote © French Moments

Escaliers menant au premier étage © French Moments

Ightham Mote © French Moments

La salle d'honneur © French Moments

Des fenêtres à gogo !

Et puis, il y a le détail qui tue : la fenêtre. Ou plutôt, la multiplication des fenêtres.

Mermaid Street, Rye © French Moments

Maisons à pans de bois et fenêtres en losange à Mermaid Street, Rye © French Moments

À une époque où le verre coûtait une fortune, ouvrir de larges baies vitrées sur les jardins était une manière de dire : "Regardez comme je suis riche. Je laisse même entrer la lumière."

Un luxe fou, quand on sait que beaucoup de maisons ordinaires avaient des fenêtres si petites qu’on y passait à peine la main.

Des outils politiques

Les maisons des classes aisées Tudor ne faisaient pas que loger leurs occupants. Elles affirmaient une position sociale.

C’était des outils politiques, des décors de réception, des leviers de pouvoir.

On y recevait, on y manigançait, on y mariait ses enfants à des héritiers bien placés.

Et si possible, on le faisait sous un plafond à poutres apparentes, devant une tapisserie venue de Flandres et à la lumière d’un feu de cheminée qui crépitait dans une hotte en pierre taillée.

Ightham Mote © French Moments

Les cottages, Ightam Mote © French Moments

Mais attention : ce style n’était pas figé. Il évoluait, selon les moyens, les régions, les ambitions.

Certaines demeures restaient résolument gothiques, d’autres s’ouvraient à la Renaissance. Parfois, on mélangeait tout, et tant pis pour la cohérence.

Ce n’était pas un souci : ce qui comptait, c’était que ça en jette.

Et au fond, c’est peut-être ça l’essence du style Tudor version élite : une envie d’impressionner.

Montrer qu’on était là, qu’on avait réussi, qu’on appartenait à ce nouveau monde anglais où la richesse ne venait plus forcément du sang mais aussi — déjà — du commerce, de la terre… et des faveurs du roi.

Côté chaume et torchis : le Tudor des gens ordinaires

Alors, c’est vrai, les palais Tudor en briques rutilantes font rêver.

Mais bon… soyons lucides : la grande majorité des Anglais de l’époque ne vivait pas dans un manoir avec galerie vitrée et plafond à caissons.

Non. La plupart vivaient dans des maisons bien plus simples, plus petites, plus basses.

Et souvent, plus bancales aussi. Des maisons qui sentaient le feu de bois, la laine humide, parfois un peu la vache, il faut bien le dire.

Et pourtant, c’est encore du style Tudor. Un Tudor de campagne. Rustique. Brut. Parfois un peu rafistolé. Mais profondément attachant.

Des maisons en bois

Déjà, la construction. On prenait ce qu’on avait sous la main : du bois, forcément — du chêne quand on pouvait, ou autre chose si besoin.

Finchdean © French Moments

Cottage à pans de bois à Finchdean © French Moments

On montait une ossature avec des poteaux et des traverses, et entre, on bourrait avec du torchis : un mélange de terre, de paille, parfois de crottin.

Ça faisait rire les enfants quand on leur disait, mais oui, c’était bien ça : un mur en bouse séchée. Et ça tenait. Pas toujours droit, mais ça tenait.

Des toits en chaume

Le toit, lui, descendait assez bas, presque jusqu’aux yeux parfois. Et souvent, il était en chaume — un matériau parfait pour l’isolation, mais qui attirait les oiseaux… et les incendies.

Chaumières anglaises : East Meon © French Moments

White Cottage (East Meon) © French Moments

D’ailleurs, certaines régions ont fini par l’interdire, après quelques feux de cheminée un peu trop enthousiastes.

Et à l’intérieur ? Pas grand-chose. Une ou deux pièces au sol battu, parfois une petite mezzanine pour dormir à l’écart des bêtes.

Car oui, dans les campagnes, les animaux vivaient souvent sous le même toit que les humains. L’hiver, ça chauffait un peu. L’été, c’était une autre affaire.

Le foyer au centre

Au centre de la maison, le foyer. Littéralement. Un feu qui brûlait presque en continu, au milieu de la pièce, sans conduit de cheminée au début. La fumée montait, s’échappait vaguement par un trou dans le toit.

Résultat : des murs noircis, des yeux qui piquent, mais une chaleur constante. On vivait là, autour du feu, à manger de la bouillie, à repriser les vêtements, à écouter les histoires des anciens.

Et puis, peu à peu, au fil des décennies, on voit arriver quelques "améliorations" : une cheminée rudimentaire, une fenêtre vitrée (juste une), une cloison pour séparer un coin chambre.

Pas de quoi pavoiser, mais c’était le progrès. Un confort tout relatif, mais un pas vers l’intimité.

Ce style Tudor populaire, on le retrouve encore aujourd’hui dans certains villages — mais il faut savoir où chercher.

Les maisons ont été réparées, rehaussées, parfois même transformées en gîtes.

Mais si on regarde bien, on voit encore ces poutres anciennes, ce torchis craquelé, ces toits un peu fatigués.

On devine la vie d’avant, les hivers longs, les enfants sales, les odeurs de soupe, les chiens couchés devant le feu.

Chateaubriand House, Burwash © French Moments

Chateaubriand House à Burwash © French Moments

High Street de Robertsbridge © French Moments

La High Street de Robertsbridge © French Moments

Lamberhurst © French Moments

Maison "The Charity", Lamberhurst © French Moments

Et ailleurs ? Ces colombages qui se ressemblent… ou presque

J'aime les maisons à colombages. Ayant vécu en Alsace et en Allemagne, j'ai pu admirer de très jolies demeures de la Renaissance à pans de bois.

Puis, lors d'une visite à Rouen, c'est un autre style de colombages qui s'est révélé à moi.

Ainsi, lorsque j'ai vu mes premières maisons à colombages anglaises, je me suis  posé la question, un peu perplexe : "Mais attends… ces maisons noires et blanches, c’est un peu comme en Normandie et en Alsace... mais non, il y a quelque chose qui est différent. Mais quoi ?"

Et sur le moment, je n’avais pas la réponse. Parce que oui, à première vue, ça y ressemble.

Ces poutres apparentes, ces murs clairs, ce petit côté penché comme si la maison allait tomber mais décidait de résister vaillamment… on pourrait les confondre.

Mais en fait, non. Ce ne sont pas les mêmes. Et en creusant un peu, on découvre des différences passionnantes.

En Angleterre

Déjà, les maisons Tudor anglaises — les "vraies", pas celles des banlieues modernes qui imitent — ont souvent été pensées comme des constructions fonctionnelles, presque improvisées parfois.

Lamberhurst © French Moments

Coggers Hall, Lamberhurst © French Moments

On prend du bois, on monte la charpente, on comble avec ce qu’on a : du torchis, de la brique enduite, de la chaux.

 On ne cherche pas à faire joli, pas trop.

Et surtout, on ne cherche pas la symétrie. Les fenêtres sont décalées, les poutres aussi, et les étages dépassent, parfois de façon un peu anarchique.

Ça vit, ça bouge, c’est vivant. Presque tordu, par moments.

En Normandie

En Normandie, l’esprit est un peu différent. Le colombage normand est plus équilibré, plus organisé.

Mont-Saint-Michel © French Moments

Maison à pans de bois au Mont-Saint-Michel © French Moments

Les façades sont souvent plus régulières, presque élégantes.

On soigne la présentation, on peint parfois les poutres, on aligne les fenêtres.

Ça sent l’ordre, la mesure.

Et les toits sont différents aussi : ardoise ou tuiles plates, selon les régions.

Moins rustique, plus raffiné, peut-être. Et avec cette lumière grise du ciel normand, les maisons ont souvent un air un peu mélancolique. Très cinématographique, en tout cas.

En Alsace

Mais alors… l’Alsace, et le sud de l’Allemagne, c’est encore autre chose.

Là, on entre dans le royaume du colombage décoratif.

Riquewihr © French Moments

Maison à colombages à Riquewihr (Alsace) © French Moments

Les maisons sont souvent colorées, parfois vivement — jaune, rose, bleu — et les poutres ne sont pas seulement là pour tenir les murs : elles racontent quelque chose. Et c’est là qu’apparaît un détail fascinant : le fameux "Mann".

Oui, un homme. Enfin… une forme humaine stylisée, formée par des poutres obliques.

On le voit parfois debout, bras levés, jambes écartées en croix de Saint-André.

Il est là, en façade, comme s’il portait la maison sur ses épaules. On dit qu’il symbolise la forcela protection, parfois même la fertilité. Certains y voient un porte-bonheur, d’autres une sorte de talisman contre les mauvais esprits.

Et franchement, quand on le repère pour la première fois sur une façade de maison à Eguisheim ou à Riquewihr, on se demande comment on a pu passer à côté avant.

Question de poutres ?

En Angleterre, rien de tout ça. Les poutres sont là pour tenir, point.

Pas de symboles cachés, pas de décor géométrique raffiné.

Ce sont des maisons qui disent : "Je suis là depuis longtemps, j’ai survécu à la pluie, au feu, à la Réforme, au passage des siècles et au Blitz de 1940. Je tiens encore debout, et c’est déjà pas mal."

Et peut-être que c’est ça, la vraie différence.

En Alsace, les maisons à pans de bois sourient, elles s’affichent, elles séduisent.

En Normandie, elles se tiennent droites, discrètes, solides.

En Angleterre, elles s’accrochent. Elles ne cherchent pas à plaire. Elles sont juste là. Un peu tordues, un peu sombres, mais profondément attachantes.

Tudor Angleterre Normandie Alsace FR

(Image initialement générée par Open AI et retouchée par mes soins)

Pour conclure : ce que ces maisons nous murmurent

Je ne sais pas vous, mais moi, plus j’avance dans la vie, plus j’aime les choses un peu de travers.

Les murs qui ne sont plus tout à fait droits, les poutres qu’on devine fatiguées mais fidèles, les maisons qui grincent quand on marche.

Le style Tudor, c’est un peu tout ça à la fois.

Une époque entière logée dans du bois, de la brique, de la suie et des courants d’air.

Ce qui me touche, ce n’est pas la beauté parfaite de ces constructions.

Ce sont leurs défauts. Leur obstination à rester debout malgré les siècles. Leur manière de raconter l’histoire sans en avoir l’air, avec un soupir dans la charpente et un cliquetis de loquet rouillé.

Quand on regarde une maison Tudor, on ne voit pas seulement une architecture.

On voit une Angleterre qui doute, qui cherche son équilibre entre tradition et nouveauté.

Une Angleterre en plein tournant, prise entre le Moyen Âge et la Renaissance, entre le latin des prêtres et l’anglais de Shakespeare.

Et peut-être qu’en marchant dans ces villages, en levant les yeux vers une lucarne un peu voilée, on peut presque sentir ce que c’était, vivre à cette époque.

La rudesse du quotidien. La chaleur du foyer. Le vent qui siffle sous la porte. Les nouvelles venues de Londres, chuchotées au marché. Le temps qui passe, et les maisons qui restent.

Alors la prochaine fois que vous verrez une de ces maisons à pans de bois — que ce soit en Angleterre, en Alsace ou en Normandie —, prenez une seconde pour vraiment la regarder. Elle a sans doute quelque chose à vous dire.

La High Street de Winchester illuminée pour Noël © French Moments

La High Street de Winchester et ses maisons à pans de bois © French Moments

A propos de l'auteur

Pierre réside actuellement dans un charmant village du sud-est de l’Angleterre. Son organisation basée au Royaume-Uni, French Moments, promeut la France au public anglophone. Formateur de français en langue étrangère, Pierre est également un créateur de contenu prolifique. Il est auteur de livres culturels et compte plus de 1500 articles de blog à son actif. Pierre est en effet passionné par la découverte de l’Europe, du Kent à la Savoie et de Paris à la Rhénanie !

  • Toujours aussi intéressant et passionnant de suivre ces nouvelles. Je n’arrive pas encore a décider mon épouse de découvrir votre région mais je ne désespère pas.

  • Merci Pierre pour cet article très intéressant.
    Le style Tudor est mon préféré ! J’ai adoré Little Moreton Hall notamment. On se demande comment ces constructions tiennent encore debout quand on voit certains planchers qui penchent de plusieurs centimètres entre un mur et l’autre opposé.
    Les Anglais savent conserver leur patrimoine et tant mieux.

    • Oui, certaines maisons sont carrément bancales et je me suis demandé comment ils arrivent à meubler à l’intérieur !

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