Sous la pente nord de Portsdown Hill, blotti au sud de la vallée de la Meon, Southwick ressemble à un décor de carte postale : cottages à colombages, toits de chaume, pubs aux poutres sombres, fleurs débordant des jardinières… et, détail intrigant, toutes les portes sont peintes en rouge.
Ce n’est pas une coquetterie de voisinage : c’est une règle inscrite dans un acte juridique, imposée par les Thistlethwayte, la famille propriétaire du domaine depuis près de cinq siècles.
Un ancêtre aurait choisi cette couleur simplement parce qu’elle correspondait à celle de sa voiture !
Aujourd’hui encore, lorsque “le Squire” est en visite, le blason familial flotte au sommet de l’église, perpétuant une tradition rare dans l’Angleterre moderne.

En visite à Southwick !

Dans le village de Southwick. Toutes photos © French Moments, sauf mentions contraires
Southwick : un peu d'histoire
Aux origines : de la Préhistoire aux Romains
L’histoire de Southwick commence bien avant l’arrivée des moines et des manoirs.
Des fouilles sur Portsdown Hill ont révélé des outils en silex et un tumulus néolithique contenant douze squelettes — dont un crâne traversé par une pointe de flèche.
L’âge du Bronze (2000-1000 av. J.-C.) puis l’âge du Fer (1000 av. J.-C.-début de notre ère) laissent eux aussi des traces.
En 43 apr. J.-C., les légions romaines avancent ici, construisant la Route 421 de Chichester à Winchester, avec un relais à Southwick et un lien vers leur fort de Portchester.
Mille ans plus tard, les Normands emprunteront probablement la même voie pour leur conquête.

L'église de Southwick
Le prieuré médiéval : 400 ans de spiritualité
Vers 1128, des chanoines augustins s’installent au château de Portchester.
L’endroit étant peu pratique, ils déménagent vers 1150 pour fonder le prieuré de Southwick : cloître carré, église, réfectoire, vergers, vivier, pigeonnier… Un monde autosuffisant, vivant au rythme des offices et du travail agricole.
Le sanctuaire marial Notre-Dame de Southwick attire pèlerins et rois — Henri VIII y passe avant de le fermer en 1538.
Les bâtiments deviennent un manoir, mais un témoin précieux subsiste : le mur nord du réfectoire, datant des années 1180, avec ses colonnes romanes et l’emplacement du “laver” sculpté représentant la Jérusalem céleste (aujourd’hui conservé à Fort Brockhurst).

Les ruines du prieuré de Southwick
Du 17e siècle aux fortifications victoriennes
Au début du XVIIᵉ siècle, Daniel Norton bâtit une demeure sur le site du prieuré.
Charles Ier lui rend visite, mais ironie de l’Histoire, le fils de Norton — “Idle Dick” — signera l’acte de condamnation du roi pendant la guerre civile.
En 1862, craignant une invasion française, le gouvernement achète 900 acres sur Portsdown Hill pour construire un arc de forts défensifs (Nelson, Purbrook, Southwick, Widley).
Surnommés “les folies de Palmerston”, ils ne tireront jamais un coup en combat réel.

Le fort Nelson fait partie des fortifications de Portsdown Hill
1944 : le QG du Débarquement
En 1941, en pleine Seconde Guerre mondiale, la Royal Navy réquisitionne Southwick House, une élégante demeure géorgienne du XIXᵉ siècle qui fait face à la colline de Portsdown.
Les pièces cossues, les larges fenêtres et les salons lambrissés allaient bientôt résonner non plus des conversations mondaines du Squire, mais des ordres brefs des militaires et du froissement des cartes dépliées.
Trois ans plus tard, à l’aube de l’été 1944, le manoir devient le centre nerveux de l’une des opérations militaires les plus audacieuses de l’Histoire.

Des fudges en l'honneur de Southwick House
C’est ici, dans l’ancienne bibliothèque — transformée en salle d’état-major — que le général Dwight D. Eisenhower, commandant suprême des forces expéditionnaires alliées, prend la décision irrévocable de lancer l’opération Overlord.
Trois millions d’hommes, 2 727 navires, des milliers d’avions… et, au bout de cette gigantesque entreprise, l’espoir de libérer l’Europe occupée.
La célèbre carte murale du Débarquement, toujours en place aujourd’hui, servait à suivre en direct le mouvement des troupes et des navires.
Chaque pion déplacé représentait des centaines de vies humaines et un pan du destin de la guerre.

En visite à Southwick, j'ai pu "grimper" dans une jeep américaine !
Southwick pendant la Seconde guerre mondiale
Pendant ce temps, le village vivait au rythme de la mission.
Le Golden Lion, pub Tudor au cœur de Southwick, servait de mess aux officiers.
Ses planches de bois craquaient sous les bottes des gradés, et ses murs sombres étaient témoins de discussions où la gravité se mêlait parfois à la camaraderie.
On raconte que le matin, Eisenhower venait y boire une demi-pinte de bitter, tandis que Montgomery, fidèle à sa sobriété, se contentait d’un jus de pamplemousse.
Ils s’installaient dans un coin, à gauche de la cheminée, parfois pour simplement discuter, parfois pour étaler cartes et documents sur une petite table, loin de l’agitation de Southwick House.

Une plaque commémorative accrochée au mur du pub The Golden Lion détaille les visites d'Eisenhower et Montgomery.
On aime à imaginer que, dans le calme feutré de cette salle aux poutres anciennes, les derniers ajustements du Débarquement ont trouvé leur forme définitive.
Aujourd’hui, le Golden Lion a conservé cette atmosphère.
Les clients y boivent leur bière en sachant qu’ici, un matin de juin 1944, on préparait la plus grande opération amphibie de tous les temps.

La girouette du Village Hall représentant un navire et un avion lors du Débarquement de Normandie
Southwick aujourd’hui : ce qu’il faut voir
Voici quelques sites intéressants à découvrir dans le village.
Le mur du réfectoire du prieuré augustin

Southwick Priory © French Moments
Il semble modeste, et pourtant… Ce pan de mur, aujourd’hui isolé dans l’herbe, est l’unique vestige visible du prieuré de Southwick fondé au XIIᵉ siècle.
C’était la paroi nord du réfectoire des chanoines augustins, où l’on distinguait autrefois les voûtes et l’escalier menant à la salle à manger à l’étage.
Imaginez les moines en procession, se lavant les mains dans un “lavoir” sculpté avant de s’asseoir, le silence ponctué seulement par la voix du lecteur lisant les Écritures.
On accède aux ruines par un petit sentier dans les bois au départ de Priory Road (la route qui mène à Southwick House.

Sur le chemin qui mène aux ruines du prieuré
L’église St James Without the Priory Gate

L'église de Southwick
Au cœur du village se dresse une église au nom singulier : St James Without the Priory Gate.
Comme son nom l’indique, elle se situait à l’extérieur des murs du prieuré médiéval.
Mais ce qui la rend vraiment unique, c’est son statut de “Peculiar” : elle n’est pas sous la juridiction de l’évêque diocésain, mais directement sous l’autorité du propriétaire du domaine — le fameux “Squire”.
L’intérieur réserve une belle surprise : un autel élisabéthain rare, témoin des bouleversements religieux du XVIᵉ siècle.

L'intérieur de l'église
Golden Lion & Red Lion
Deux pubs historiques qui résument à eux seuls l’âme du village.
Le Golden Lion : bâtiment Tudor au charme intact, il servit de mess aux officiers alliés pendant la préparation du D-Day. Eisenhower y buvait ses demi-pintes de bitter, Montgomery son jus de pamplemousse. On dit qu’ils y étalaient cartes et documents sur une petite table, juste à gauche de la cheminée. Aujourd’hui, le pub conserve cette atmosphère, avec ses poutres sombres et ses murs couverts de souvenirs.

Le pub du Golden Lion à Southwick
- Le Red Lion : situé également dans la High Street, il avait, jusqu’aux années 1980, la particularité de ne servir que bière et cidre — une décision du Squire de l’époque, soucieux de la sobriété de ses ouvriers agricoles. Pendant la guerre, il était tenu par Horace “Hoppy” Crook, dont le frère gérait la ferme voisine.

Le Pub The Red Lion à Southwick
Les chaumières et cottages de Southwick

Chaumières à Southwick
Southwick est un petit village, certes, mais il offre au regard un véritable concentré d’architecture vernaculaire anglaise.
En flânant le long de la High Street et des ruelles adjacentes, on découvre de nombreuses maisons anciennes aux toits de chaume, soigneusement entretenues, dont certaines présentent encore de beaux pans de bois apparents.

Le rouge domine à Southwick !
Ces cottages, souvent bas de plafond, alignent leurs murs de briques (certains blanchis à la chaux) et leurs petites fenêtres à croisillons.
En été, les façades se parent de roses trémières, de glycines ou de lierre, ajoutant une touche bucolique à l’ensemble.
Chaque maison raconte à sa manière un pan de l’histoire du village, qu’il s’agisse d’anciennes fermes, de logements d’ouvriers agricoles ou de demeures plus cossues appartenant autrefois à l’entourage du domaine.
Leur diversité et leur état de conservation contribuent largement au charme intemporel de Southwick et invitent à prendre le temps de les admirer, appareil photo en main.

Une jolie chaumière dans le centre du village

Une autre chaumière dans le village (West Street)

Deux cottages pour le prix d'un !

Un joli cottage

Vieilles maisons de Southwick
Les fameuses portes rouges
On l'a déjà dit - à Southwick, toutes les maisons du vieux village — celles qui appartiennent au domaine — affichent la même couleur sur leur porte : un rouge vif, impossible à manquer.

Les portes rouges de Southwick
Ce n’est pas un hasard, mais une règle inscrite dans un covenant (acte juridique) par la famille Thistlethwayte, propriétaire du village depuis près de cinq siècles.
La tradition remonterait à un ancêtre qui aurait tout simplement choisi ce rouge parce qu’il correspondait à la couleur de sa voiture préférée.
Depuis, la consigne est restée inchangée, devenant l’une des signatures visuelles du village.

Une jolie chaumière et sa porte rouge
Il n’existe cependant que deux exceptions : la White House, résidence du vicaire, et Church Lodge, la seule maison du vieux village à être en propriété privée.

Church Lodge, la seule maison privée du village

Church Lodge et sa porte ... qui n'est pas rouge !
Leurs portes ne sont pas rouges, mais blanches — un détail qui attire souvent l’œil des visiteurs attentifs, et qui rappelle que, même dans un village aux traditions bien ancrées, il existe toujours quelques singularités.

La maison blanche (White House) de Southwick et sa porte blanche
Southwick Brewhouse

Southwick Brewhouse
Juste derrière le Golden Lion, la Southwick Brewhouse est un petit bijou industriel : une brasserie victorienne classée monument historique, avec tout son équipement d’origine.

Southwick Brewhouse
Construite pour approvisionner le pub en bière, elle est aujourd’hui ouverte comme musée et boutique, où l’on peut acheter bières artisanales et souvenirs.
C’est un arrêt incontournable pour les amateurs de patrimoine… et de bonne mousse.
Southwick Stores & Tea Rooms

La boutique et le salon de thé sur la Grande Rue
Rénovés en 2017, la boutique et le salon de thé sont devenus un véritable centre de vie pour le village.
On y trouve des produits locaux frais, de l’épicerie, mais aussi un espace cosy pour savourer un café, un déjeuner léger ou une part de gâteau maison.

The Stores et la poste
Un mur entier est occupé par une fresque remarquable, peinte par l’artiste locale Megan Attwell, retraçant la Libération de l’Europe.
Une halte gourmande avec une touche d’histoire.

La fresque de la Libération de l'Europe depuis Southwick
Southwick Farm Barn
En face du Red Lion, Southwick Farm Barn est une grange à colombage dont les poutres ont été datées de… 1494, soit à peine deux ans après que Christophe Colomb a posé le pied dans le Nouveau Monde !

Southwick Farm Barn
Toujours debout plus de cinq siècles plus tard, elle rappelle que Southwick n’est pas qu’un témoin de l’Histoire récente : il a traversé les siècles.
Southwick House

Southwick House vue de la colline de Portsdown Hill
Majestueuse demeure géorgienne du XIXᵉ siècle, Southwick House est mondialement connue pour avoir été le QG du Débarquement en 1944.
C’est dans l’ancienne bibliothèque que le général Eisenhower donna l’ordre de lancer l’opération Overlord.
Aujourd’hui occupée par le ministère de la Défense, la maison n’est pas ouverte en permanence au public, mais des visites guidées ponctuelles permettent de découvrir la fameuse carte murale des opérations.
Même depuis l’extérieur, on devine le poids historique de ce lieu.
Conseils pratiques

L'arrivée à Southwick par la route de Denmead
- Accès : Southwick se trouve à environ 15 minutes de Portsmouth en voiture, via la M27 (sortie Fareham/Portchester), puis en suivant les routes de campagne. Il n’y a pas de gare dans le village : la voiture reste donc le moyen le plus simple pour s’y rendre. La gare la plus proche est à Fareham ou Portsmouth, mais il faudra ensuite prendre un taxi ou un bus local — ce qui complique un peu les choses si vous êtes chargé ou pressé.
- Durée de visite : Comptez un peu moins d'une heure pour explorer le cœur du village, admirer ses cottages à portes rouges, visiter l’église, jeter un œil au mur du prieuré et vous arrêter au salon de thé ou au pub. Si vous poussez la curiosité jusqu’à la brasserie ou que vous prévoyez un déjeuner complet, prévoyez une demi-journée.
- Meilleure période : Le village est agréable toute l’année, mais début juin a une saveur particulière : c’est le moment des commémorations du D-Day. Le village revit alors ses heures historiques avec cérémonies, drapeaux et parfois des véhicules d’époque dans les rues. Attention, l’affluence est alors bien plus importante, et il vaut mieux arriver tôt pour profiter du calme relatif du matin.
- Petit conseil : Southwick est encore un village privé, et ses habitants apprécient la tranquillité. Une promenade à pied dans la High Street, appareil photo à la main, est la meilleure façon d’en capter l’atmosphère, tout en respectant la vie locale.
- Pour réserver votre hébergement dans la région, naviguez la carte ci-dessous (Portsmouth et alentours).

Southwick, c'est par là !
Venir à Southwick
Le village de Southwick se situe dans la région de Portsmouth. Suivez la B2177 en direction de Wickham.
- 10 km de Portsmouth (Terminal Ferry) - environ 16 minutes de route
- 210 km de Folkestone (Terminal Eurotunnel) - environ 2h20 de route
- 27 km de Southampton - environ 35 de route
- 120 km du centre de Londres (2h)
Poursuivre la visite : à voir aux alentours
Le mieux est de séjourner autour de Portsmouth pendant quelques jours. Vous pourrez alors prendre le temps d'explorer les alentours en douceur !
Voici une liste de sites à découvrir dans la région :