Vous arrivez en ferry à Portsmouth, un jour de ciel changeant, avec dans le cœur un mélange d’excitation, de fatigue, et peut-être un petit creux à l’idée de goûter enfin un vrai "fish and chips".
Votre bateau vient de Saint-Malo, de Caen ou du Havre. Vous voilà en Angleterre, la vraie — celle des pubs fleuris, des maisons de brique et des thés brûlants à toute heure.
Comme beaucoup, vous vous dirigerez sans doute vers l’impressionnant Portsmouth Historic Dockyard pour visiter le HMS Victory, la Mary Rose et autres trésors de la marine britannique. Une excellente idée, que nous ne pouvons que vous recommander chaudement (et que nous avons nous-mêmes adorée - voyez notre article ici !).

Le Warrior © French Moments
Mais ensuite ?
Une fois que vous avez salué Nelson, rêvé devant les mâts du HMS Warrior, et goûté à la vie à bord d’un sous-marin, pourquoi ne pas sortir un peu de la ville… et découvrir l’arrière-pays ?
Pas besoin d’aller loin : à moins de 30 kilomètres, se cachent de véritables petits joyaux ruraux, des villages pleins de caractère qui vous plongeront dans une Angleterre intemporelle — celle que l’on ne trouve pas dans les brochures des tour-opérateurs, mais que l’on découvre en flânant, appareil photo en bandoulière et sourire aux lèvres.
Nous vous emmenons donc à la découverte de cinq villages que nous explorons régulièrement, et que nous aimons profondément : Southwick, Bosham, Hambledon, East Meon et Wickham.
Mais avant cela, prenons un instant pour planter le décor.

Le bocage des South Downs (Meon Valley) © French Moments
Un cadre naturel typiquement anglais
Si vous regardez une carte, Portsmouth se trouve au bord de la mer, juste en face de l’île de Wight. Mais à peine franchi le dernier feu rouge de la ville, la campagne anglaise vous tend les bras — et quelle campagne !
Portsdown Hill et ses forts
Au nord immédiat de Portsmouth s’étend Portsdown Hill, une colline crayeuse qui surplombe la ville et le port. De là-haut, la vue est spectaculaire : d’un côté, les toits de Portsmouth et la mer scintillante ; de l’autre, les ondulations vertes de l’arrière-pays.

Les forts de Portsdown Hill © French Moments
Mais ce n’est pas qu’un joli panorama. Portsdown Hill est aussi un site historique, criblé de forts victoriens construits pour défendre le port contre une invasion française (qui, spoiler alert, n’est jamais venue).
C’est au pied de cette colline que se trouve Southwick, premier village de notre itinéraire.
Le Chichester Harbour
À l’est de Portsmouth, l’estuaire du Chichester Harbour déroule ses méandres paisibles entre terre et mer. Zone protégée, classée AONB (Area of Outstanding Natural Beauty), ce port naturel est un paradis pour les oiseaux, les pêcheurs, les kayakistes… et les contemplatifs.

Fin de journée dans le Chichester Harbour à Bosham © French Moments
Ses rives sont ponctuées de petits villages, de marais salants, de sentiers côtiers et de cottages posés au bord de l’eau.
C’est dans ce décor de carte postale que se niche Bosham, sans doute l’un des plus beaux villages du Sussex.
Les collines verdoyantes des South Downs
Cap au nord, et voici les South Downs : un massif de collines douces et crayeuses, couvertes de pâturages, de haies, de bois et de champs. Ici, les villages semblent se cacher dans des plis du paysage, protégés du tumulte du monde.

La campagne des South Downs et la Manche vus du manoir © French Moments
Le South Downs National Park est un véritable trésor pour les amateurs de randonnées, de nature et de vues à couper le souffle. C’est le royaume des chemins sinueux, des oiseaux de haie, et de cette lumière anglaise si particulière, entre nuages laiteux et éclats de soleil.
C’est au pied de ces collines que vous découvrirez Hambledon, village de pierre et de cricket, et un peu plus loin East Meon, perle de la vallée.
La Meon Valley
Enfin, entre colline et rivière, se déploie la Meon Valley.
Peu connue des visiteurs, cette vallée est un condensé de bocage anglais, avec ses prairies bordées de haies, sa petite rivière sinueuse (la Meon), ses hameaux tranquilles et ses sentiers à travers champs.

Meon Valley © French Moments
C’est une campagne profondément anglaise, où l’on croise des moutons au détour d’un chemin, des chaumières aux murs épais, et parfois même un petit panneau indiquant un "tea room" au fond d’un jardin.
Wickham et East Meon en sont deux incarnations très différentes, mais également attachantes.
5 villages autour de Portsmouth pleins de charme
Vous les attendiez... voici ma sélection de 5 villages autour de Portsmouth:
Southwick – Là où les portes sont rouges et les généraux buvaient au pub
À peine vingt minutes après avoir quitté le Portsmouth Historic Dockyard, vous voilà dans un autre monde.
Le petit village de Southwick (prononcez "SEU-thik", si vous voulez éviter qu’on vous regarde de travers au pub) semble figé dans le temps.
Nichée au pied de Portsdown Hill, cette bourgade paisible a pourtant joué un rôle décisif dans l’histoire de l’Europe.
C’est ici, dans une élégante maison de maître appelée Southwick House, que les grands cerveaux du Débarquement de 1944 — Eisenhower, Montgomery, Ramsay — ont préparé l’opération Overlord. Oui, le D-Day.

Southwick House © French Moments
Et non, ce n’est pas dans une salle de guerre souterraine high-tech.
C’était dans une belle demeure anglaise, avec moquette, cheminée… et des cartes géantes encore accrochées au mur, visibles aujourd’hui dans la salle du plan.
Mais ce que j’aime à Southwick, c’est son ambiance.
Le village appartient toujours au Southwick Estate, ce qui veut dire que pratiquement toutes les maisons — sauf une — ont des portes peintes en rouge foncé.

Le rouge domine à Southwick ! © French Moments

Vieilles maisons de Southwick © French Moments
C’est dans le bail. Si vous rêviez d’une porte jaune citron, passez votre chemin !
Il y a deux pubs, chacun avec sa personnalité. Le Golden Lion, avec son mobilier couleur or (d’où le surnom "Gold Room"), a vu Eisenhower commander des demis de bitter et Montgomery siroter de l’eau minérale.

Le pub du Golden Lion à Southwick © French Moments
Imaginez-les, penchés sur des cartes posées sur une petite table près de la cheminée… C’est là, peut-être, que les derniers détails du Débarquement ont été décidés. Entre deux gorgées.
Un peu plus haut dans la rue, le Red Lion servait autrefois uniquement de la bière et du cidre — la propriétaire de l’époque, soucieuse de la santé de ses ouvriers agricoles, avait interdit les alcools forts. Une Angleterre bienveillante, avec un zeste de paternalisme.

Le Pub The Red Lion à Southwick © French Moments
Juste en face de la salle communale du village, un petit sentier boisé surnommé The Wilderness mène aux ruines paisibles d’un ancien prieuré du XIIe siècle. Le lieu, romantique à souhait, est parfois utilisé pour les photos de mariage.

Les ruines du prieuré de Southwick © French Moments
L'autre haut-lieu religieux du village, c'est l’église de St James Without the Priory Gate.
C'est un bijou médiéval classé, mais avec une particularité rare : elle n’appartient pas à l’Église d’Angleterre, mais au propriétaire du domaine.

L'église de Southwick © French Moments
On appelle cela une église "Peculiar". Ce qui, en anglais, veut dire "à part"… mais on pourrait aussi dire "étonnante", non ?
Et puisque vous êtes là, jetez un œil à la Southwick Farm Barn, dont les poutres de bois ont été datées de… 1494. Oui, vous avez bien lu : deux ans après que Christophe Colomb a posé le pied dans le Nouveau Monde.
Southwick, c’est ça : un village discret, un brin solennel, mais avec des histoires à faire frissonner un manuel d’histoire.

Chaumières à Southwick © French Moments
Et pourtant, ici, tout est calme. Les rosiers grimpent aux murs, les corbeaux tournoient au-dessus de Portsdown Hill, et les portes restent rouges. Toujours rouges.
Bosham – Là où les rois se noient, les voitures flottent et le passé ne sèche jamais
Ah, Bosham… (prononcez Boz-eum, pour ne pas passer pour un touriste de l’intérieur).
Ce village au nom étrange est l’un de nos préférés — et pour cause.
À mi-chemin entre Portsmouth et Chichester, blotti dans une anse du Chichester Harbour, Bosham semble poser là, les pieds dans l’eau, les cheveux au vent… et parfois les voitures dans la marée.

Les cygnes de Bosham © French Moments
Disons-le franchement : ce n’est pas le genre de village où l’on vient pour faire du shopping.
Il reste quelques commerces (un café, un marchand de glaces redoutablement bon, une galerie d’art, un pub, une épicerie fine et une agence immobilière pour rêver un peu trop grand). Mais pour le reste, il faut prendre la voiture.
Et pourtant… on y revient. Encore et encore.
Pour les cottages fleuris, l’église plus que millénaire, les ruelles qui sentent la lavande, les histoires de rois danois et de marées traîtresses.
Un port, des oiseaux, et une marée qui n’en fait qu’à sa tête
Bosham fait partie du Chichester Harbour AONB (Area of Outstanding Natural Beauty) — et c’est bien mérité.
Le paysage est magnifique, changeant, toujours baigné d’une lumière un peu magique.

Bosham et les South Downs depuis Bosham Hoe © French Moments
On y croise des voiliers, des hérons, des chiens boueux et des gamins qui apprennent à naviguer entre deux marées.
Mais la vedette ici, c’est la mer. Enfin, la marée, qui entre et sort comme bon lui semble, sans se soucier des horaires des visiteurs.
Gare à vous si vous laissez votre voiture trop près du rivage. Je me souviens d’un panneau montrant une photo hilarante d’une voiture flottant comme un canard. Et ce n’était pas une blague.

Attention à la marée ! © French Moments
Des Romains aux rois vikings
Bosham n’a pas attendu Instagram pour devenir célèbre.
Les Romains y avaient des villas, un théâtre, peut-être même un temple. Ils ont laissé des mosaïques et un casque de légionnaire qu’on peut aujourd’hui admirer dans un musée du Sussex.
Mais l’histoire qui marque le plus, c’est celle d’un roi danois nommé Knut (ou Canute), souverain d’un improbable empire de la mer du Nord.
La légende raconte qu’il s’est un jour assis au bord de l’eau, ici même, et a ordonné aux vagues de s’arrêter. Spoiler : elles ne l’ont pas écouté.
Et dans un éclair de lucidité théologique, il déclara que seul Dieu, pas les rois, pouvait commander à la mer.
Joli message. Jolie histoire. Et comme tout bon récit anglo-saxon, il n’est pas avare en variantes.
Mais ce n’est pas fini. Une autre légende raconte que sa fille s’est noyée dans le ruisseau près de l’église, et qu’on l’a enterrée à l’intérieur même du sanctuaire.
En 1865, on a retrouvé un petit squelette. Était-ce elle ? Allez savoir. En tout cas, une plaque la commémore.
Et vous savez quoi ? Juste à côté, on a aussi trouvé une tombe anglo-saxonne qui, selon certains, serait celle de Harold Godwinson, le dernier roi anglo-saxon d’Angleterre, mort à Hastings. Rien que ça.

High Street à la tombée du jour © French Moments
L’église : un livre d’histoire en pierres
Ne manquez pas Holy Trinity Church, un bijou d’architecture saxonne, normande et gothique, posée à quelques mètres du rivage.
Son clocher trapu, ses pierres irrégulières, ses arcs anciens… tout y respire la foi d’un autre temps.

L'intérieur de l'église de Bosham © French Moments
À l’intérieur, on découvre des fonts baptismaux du XIIe siècle, une piscina romane, des voûtes du XIe siècle… et même une reproduction d’une scène de la tapisserie de Bayeux représentant Harold entrant dans l’église pour prier avant de traverser la Manche vers la Normandie. La boucle est bouclée.
The Anchor Bleu – un pub, une énigme, une terrasse avec vue
Dans High Street, le Anchor Bleu (avec un "u" français, s’il vous plaît) vous accueille dans une bâtisse du XVIIIe siècle.
Bière locale, fish & chips, terrasse face à la mer… Et une enseigne ornée de deux drapeaux tricolores.
Pourquoi "bleu" et pas "blue" ? Mystère. Y aurait-il une touche française cachée quelque part ? En tout cas, moi, j’adore l’idée.

L'enseigne du pub The Anchor Bleu © French Moments
Un peu plus loin, on découvre des cottages au toit de chaume, dont le charmant Church Cottage, puis la Brook House, construite en 1743. Leurs façades sont aussi photogéniques qu’historiques.

Cottage, High Street © French Moments

Cottage de la High Street © French Moments

Quay cottage © French Moments
Enfin, le sentier côtier (à marée basse) vous mène vers Quay Meadow, une prairie verte appartenant au National Trust, parfaite pour un pique-nique.
Et si la mer le permet, vous pouvez faire le tour de l’anse à pied. On y voit des choses invisibles depuis la route. Des reflets. Des recoins. Des secrets.

Bosham (West Sussex) © French Moments
Si Southwick est un secret bien gardé, Bosham est un village de légendes, de lumière, et de surprises mouillées.
À visiter absolument — en vérifiant les horaires des marées.
Hambledon – Des siècles sous les pieds, un village dans le cœur
Il y a des villages qui s’annoncent de loin, qui vous interpellent à coups de panneaux touristiques, de drapeaux flottants et de parkings aménagés.
Et puis, il y a Hambledon.
Un petit village discret, encaissé dans un vallon, à peine visible depuis la route — comme s’il s’excusait d’exister.

Pourtant, dès que vous mettez le pied sur ses pavés, quelque chose opère. Un silence. Une lumière. Une impression d’évidence.
Hambledon ne cherche pas à vous séduire. Il est là. Et il vous attend.
Je l’ai découvert un jour d’automne, presque par hasard. Et depuis, j’y retourne souvent. Comme à un rendez-vous dont on ne se lasse jamais.
Il y a les collines qui ondulent autour, les haies épaisses, les petits chemins secrets, les vignes qui s’étendent à perte de vue… Et ce silence. Ce silence habité, qui vous enveloppe doucement.

Mille ans d’histoire… ou trois mille ?
Ici, les siècles ne s’exposent pas, ils murmurent.
Une église perchée en haut de la rue.
Un if millénaire tordant ses branches vers le ciel.
Un vieux panneau évoquant un roi danois, une légende de chapelle en pierre…
Et plus bas, les restes invisibles d’une villa romaine, de tumulus de l’âge du Bronze oubliés dans les champs.
Rien n’est mis en scène, et c’est justement ce qui rend Hambledon si fort.
Vous le traversez comme on feuillette un vieux livre, avec un peu de retenue, un peu de respect. En vous disant que chaque pierre a vu passer plus de choses que vous n’en verrez jamais.

Une église comme un millefeuille
Impossible de la manquer : St Peter and St Paul trône sur la colline, veillant sur la vallée. Ce n’est pas une cathédrale. Ce n’est pas un chef-d’œuvre architectural. Mais elle a quelque chose.

L'église de Hambledon © French Moments
Poussez la porte — si elle est ouverte — et laissez vos yeux s’adapter. Là, tout se superpose : l’époque saxonne, l’art roman, le gothique primitif, les vitraux victoriens, les chapelles modernes.
Il y a même une maquette dans l’allée nord qui vous montre ce qu’elle fut autrefois. Une petite église de campagne, humble, solide, enracinée.
Et dehors, l’if creux qu’on appelle le “Domesday Yew” veille encore. Il aurait vu passer les scribes de Guillaume le Conquérant. Peut-être même les premières messes dites sur l’herbe.

L'if millénaire de l'église
Hambledon, berceau du cricket anglais (si, si)
Je vais être honnête avec vous : le cricket m’échappait complètement. Overs, wickets, innings… c’était du chinois.
Et puis j’ai découvert que le pub du village s’appelle The Bat & Ball. Tiens, drôle de nom. Et là, j’ai lu la phrase magique : “Cradle of Cricket”.
Mais bien sûr !

Le pub The Bat & Ball
Au XVIIIe siècle, Hambledon était le cœur battant du cricket mondial. Le Hambledon Club, fondé vers 1750, battait même les équipes nationales. On venait de Londres, de Bath, d’Oxford, pour voir les matchs à Broadhalfpenny Down.
Et pendant ce temps, le capitaine du club, Richard Nyren, tenait le pub juste en face. C’était le QG, la tribune, le vestiaire… et sans doute l’endroit où l’on refaisait le match autour d’une pinte d’ale.

Le terrain de Cricket historique à Hambledon
Aujourd’hui encore, les matchs s’y jouent. Un mémorial est là, les “Broadhalfpenny Brigands” s’activent. Et même si vous ne comprenez rien aux règles (comme moi au début), l’histoire vous prend aux tripes.
Vignes anglaises et chemins cachés
Ce que j’aime le plus à Hambledon, c’est la nature.
Pas la nature apprivoisée, mais celle qui vous dépasse un peu, qui sent l’humus, la craie, la brise.
Derrière l’église, un sentier descend doucement… et soudain, vous êtes au milieu des vignes. Oui, des vignes anglaises !
Et pas n’importe lesquelles : celles du Hambledon Vineyard, pionnier du vin mousseux anglais depuis les années 1950.

Le vignoble de Hambledon © French Moments
On y sent une lumière blanche, des reflets d’argent sur les feuilles, comme un souvenir de la Champagne, mais transposé ici, sur une colline du Hampshire.
Et si vous avez l’âme un peu contemplative, grimpez vers les hangers, ces forêts de hêtres typiques de la région. À l’automne, c’est un enchantement. Une palette d’or et de cuivre. Le silence en prime.
Deux pubs, deux ambiances
Il y a The Bat & Ball, pour les amateurs d’histoire sportive, de planchers qui grincent, et de souvenirs un peu brumeux de 1777.
Et il y a The Vine, plus moderne, plus lumineux, un clin d’œil au renouveau viticole du village.
Chacun raconte une facette de Hambledon. L’ancien. Le nouveau. Le durable.

The Vine à Hambledon © French Moments
Une vie de village encore bien vivante
Hambledon n’est pas un décor figé. Ici, on vit.
Il y a une école primaire. Un conseil paroissial. Des fêtes. Une communauté.
Et au centre du village, une boutique merveilleuse : The Stores, fondée par deux amies d’enfance. On y trouve du linge, des objets du quotidien, un peu de poésie… et surtout, du bon café. On s’y arrête après chaque promenade. Presque religieusement.

Hambledon, c’est tout sauf un secret tape-à-l’œil. C’est un village qu’on ne comprend pas tout de suite.
Mais qu’on n’oublie jamais.
Et il se pourrait bien qu’après votre visite, vous ressentiez la même chose que moi :
le besoin d’y retourner.
East Meon – Une échappée belle dans la vallée oubliée
Il y a des lieux qui semblent vous attendre.
East Meon fait partie de ceux-là.
À seulement 30 kilomètres de Portsmouth, ce village aux toits de chaume alignés le long d’un ruisseau semble échappé d’un roman pastoral.
On y arrive par une petite route qui serpente entre les collines des South Downs, et puis soudain, tout s’ouvre : un vallon bucolique, des chaumières, une église massive… et le calme.

Le village vu de Butser Hill, point culminant des South Downs © French Moments
Un vrai calme. Pas celui des lotissements-dortoirs, non : un silence ancien, traversé par le chant d’un merle ou le murmure de la Meon, ce petit fleuve discret qui donne son nom au village.
On a beau le connaître, East Meon étonne toujours.
Trois mille ans de mémoire sous les prairies
Les promeneurs distraits n’y verront qu’un joli décor — un peu trop parfait pour être vrai. Mais ceux qui prennent le temps de lire entre les lignes découvriront une histoire étonnamment dense.

Le pub "Le vieux Georges" © French Moments
Des tumulus de l’âge du bronze, un fort de l’âge du fer perché sur Old Winchester Hill, une villa romaine, un village saxon offert par Alfred le Grand à son fils Æthelweard, et un manoir royal répertorié dans le Domesday Book de 1086… Rien que ça.
Et comme si cela ne suffisait pas, on découvre qu’une famille originaire du village, les de Meones, a donné son nom à un quartier de Dublin ! Le monde est petit… quand on part d’East Meon.
La "Cathédrale des South Downs"
L’église paroissiale All Saints n’a rien d’un modeste sanctuaire de campagne.
Massive, romane, ancrée dans la pierre et le temps, elle a été surnommée — à juste titre — la "Cathédrale des South Downs".
Elle impressionne par sa taille, sa sobriété, son équilibre.

La tour de l'église de East Meon © French Moments

Eglise de East Meon © French Moments

La chapelle de la Vierge © French Moments
Pas de fioritures : de beaux arcs en plein cintre, une flèche effilée, une nef qui date d’environ 1150, et surtout… un trésor rare : des fonts baptismaux sculptés dans du marbre noir de Tournai, vers 1130. Des scènes bibliques à la manière flamande : Adam, Ève, le paradis perdu, les dragons, les oiseaux. Fascinant.

Les fonts baptismaux sculptés dans du marbre noir de Tournai © French Moments
Et ce n’est pas tout. Le chœur gothique, les vitraux, les niches liturgiques… Tout invite à l’observation lente. À la contemplation.
Et puis, il y a le porche sud. Ce porche, on le traverse, et l’on découvre la vue sur les toits de chaume du village. Et là, c’est comme si le temps s’arrêtait.
Des ruelles pleines de charme
La meilleure façon de découvrir East Meon, c’est à pied.
Laissez la voiture au parking de Workhouse Lane, et remontez tranquillement la ruelle.
Entre cottages à pans de bois, petits jardins fleuris, tunnels de haies, vous tomberez sur la Grand’Rue — High Street — qui suit le cours de la Meon.

La rivière Meon © French Moments
Deux pubs, une épicerie, une ancienne cabine téléphonique rouge, des chaumières dont certaines semblent flotter au-dessus de la rivière, et des noms de maisons qui racontent toute une vie.
Le pub "The Old George", notamment, a beaucoup de charme. Et son enseigne semble tout droit sortie d’un vieux conte anglais.

L'enseigne du pub © French Moments
Il y a aussi la vieille poste, transformée depuis, mais toujours reconnaissable. Et un peu plus loin, Glenthorne House, un bâtiment au bord de la rivière que l’on croirait dessiné pour une aquarelle.

La vieille poste © French Moments
De la Meon à Frogmore : le pays des chaumières
En quittant la High Street, vous pouvez suivre un petit chemin qui longe des jardins partagés. Il mène au hameau de Frogmore.
Et là, on touche à une certaine idée de l’Angleterre éternelle.

Arrivée au hameau de Frogmore © French Moments
Des chaumières bordent un ruisseau paresseux. Des poules picorent dans les herbes. Un cottage se reflète dans l’eau. On croirait un tableau.
C’est simple, authentique, sans prétention — et pourtant profondément beau.
Plus loin, un chemin traverse les prés, longe un terrain de jeu (rarement aussi bien situé !), puis continue jusqu’à Forge Cottage et les quartiers plus récents du village.
On aperçoit alors Park Hill, une colline qui domine toute la vallée. Elle semble garder East Meon depuis des siècles.

Une chaumière du village © French Moments
Une histoire… mais aussi un peu d’humour
East Meon, c’est aussi l’anecdote improbable par excellence : pendant la Seconde Guerre mondiale, la Luftwaffe a largué 38 bombes et 3 500 incendiaires sur la paroisse.
Et le seul mort… fut un cochon.
À ce niveau-là, on ne sait plus s’il faut en rire ou en rester bouche bée.
Un petit village qui voit grand
En 1986, pour célébrer les 900 ans du Domesday Book, East Meon a été choisi comme village représentatif de l’époque médiévale.

La Broderie du Millénaire © French Moments
Une maquette fut créée, exposée à Winchester, puis envoyée… à Bayeux, dans le musée de la célèbre tapisserie. Belle reconnaissance pour ce petit coin du Hampshire.
Et aujourd’hui encore, le Village Green, le Village Hall, les chemins balisés, les maisons entretenues avec soin, tout respire l’amour d’un village bien vivant.
East Meon, c’est cette Angleterre que l’on croyait perdue !
Des toits de chaume, des sentiers secrets, une église normande, un ruisseau qui glisse sans bruit.
Un village qui ne fait pas semblant d’être charmant.
Il l’est vraiment.
Wickham – Le village qu’on traverse… jusqu’au jour où l’on s’arrête
Wickham.
Pendant longtemps, ce nom n’était pour nous qu’un point sur la carte.
Une parenthèse entre deux ronds-points, une silhouette d’église entrevue au passage, tout ça en route vers Marwell Zoo.
Et puis un jour, presque par gourmandise, on a décidé d’en faire une destination.
Pourquoi ? Pour une boîte de chocolats belges.
(Vous voyez, parfois, les meilleurs voyages commencent sur un prétexte sucré.)

Détail d'un pub fleuri
Une grande place, et beaucoup trop de voitures
À l’arrivée, The Square intrigue. C’est immense — l’une des plus grandes places médiévales d’Angleterre, dit-on. Deux acres, ce n’est pas rien.
Mais l’effet “wahou” est un peu tempéré par le fait qu’elle sert… de parking.

The Square et son parking
Des rangées entières de voitures bien alignées, qui volent la vedette aux jolies façades géorgiennes et aux rares pans de bois.
C’est dommage, car avec un peu d’imagination, on voit bien ce que cela pourrait être : une grande place pavée, semi-piétonne, pleine de vie et de terrasses. Peut-être un jour…
Mais une fois qu’on a levé les yeux, on aperçoit les vraies beautés de Wickham : pubs fleuris, boutiques anciennes, maisons de maître, et l’église Saint-Nicolas qui veille, posée sur son tertre.

Un pub sur The Square
Verdonk : le chocolat qui valait le détour
Le cœur de notre visite battait ailleurs.
Dans une allée discrète, la Confiserie Verdonk.
Une vitrine modeste, un porche tranquille… et à l’intérieur, une explosion de douceurs.

La vitrine de la Confiserie Verdonk à Wickham © French Moments


Des bonbons d’antan, du nougat italien, des Jelly Belly rangées au cordeau, et surtout… des pralines venues tout droit de Bruges. Plus de cent parfums. Croyez-moi, choisir devient un dilemme cornélien.
On a fait le plein. Parce que ça fond vite, mais surtout parce qu’on fond nous-mêmes.
Et même si Hercule Poirot n’a jamais mis les pieds à Wickham (à ma connaissance), je suis sûr qu’il aurait approuvé.
Flâner dans l’Angleterre des galeries et du bric-à-brac
Chocolats en main, on a décidé de s’attarder un peu. Wickham a cela de charmant : on croit avoir tout vu, et puis on découvre encore une ruelle, un porche, un magasin inattendu.

De vieilles maisons sur Bridge Street
Bridge Street, par exemple, aligne de magnifiques maisons anciennes, des demeures géorgiennes et victoriennes pleines de caractère.
Mais notre vraie découverte, c’est le Chesapeake Mill.
Imaginez un moulin construit en 1820 avec le bois d’un navire de guerre américain capturé pendant la guerre de 1812. Le genre d’anecdote historique improbable qui vous fait lever les sourcils. Et pourtant, les poutres sont là. Massives. Authentiques. Impressionnantes.

Chesapeake Mill à Wickham
Aujourd’hui, ce moulin abrite un immense magasin de brocante et d’antiquités. On y trouve de tout : meubles vintage, céramiques, cartes anciennes, tasses en porcelaine, lampes victoriennes… C’est chaleureux, éclectique, un brin farfelu. Et passionnant.
On y est restés bien plus longtemps que prévu. Le genre d’endroit où le temps file et où l’on oublie la météo.
Une pause nature sur l’ancienne voie ferrée
Envie de prendre l’air ?
Wickham est le point de départ de la Meon Valley Trail, une ancienne voie ferrée devenue piste cyclable et sentier de randonnée.
On n’a pas fait les 15 kilomètres jusqu’à West Meon (on n’était pas venus pour un semi-marathon). Mais rien que quelques centaines de mètres suffisent pour se retrouver dans la campagne, loin des klaxons et des vitrines.
Du pont, la vue sur Wickham est charmante. L’église. Les toits. Le moulin.
Et toujours cette rivière Meon, discrète, sinueuse, qui accompagne le voyage.

La vue sur les toits de Wickham
L’église Saint-Nicolas : mille ans sur une butte
De retour dans le village, on a visité l’église anglicane Saint-Nicolas, perchée sur ce qu’on pense être une butte sacrée, bien avant le christianisme.
L’édifice date de 1120, avec ses transepts du XIIIe siècle, ses ajouts victoriens, ses vitraux modernes. Mais ce qui frappe, c’est la sensation de calme.

L'église Saint-Nicolas à Wickham
À l’intérieur, tout respire la mémoire : pierres tombales effacées, bancs patinés, chapelle de la Vierge avec ses panneaux de verre gravés de psaumes.
Et puis ce monument funéraire d’un certain William Uvedale, couché pour l’éternité aux côtés de sa femme et de leurs neuf enfants sculptés. On a l’impression d’interrompre une prière vieille de 400 ans.
Wickham, petit mais intense
On peut facilement rater Wickham.
On peut même le traverser sans s’en rendre compte.
Mais si vous prenez le temps de vous arrêter, vous découvrirez une densité rare de trésors dans un espace aussi réduit.
- Une grande place (certes pleine de voitures, mais quand même),
- un moulin fait de bois de frégate,
- des boutiques pleines de charme,
- une église presque millénaire,
- une promenade bucolique,
- et des chocolats belges de compétition.
Franchement, que demander de plus ?

Le long de The Square
Wickham, ce n’est pas une étape.
C’est une pause pleine de douceur, dans tous les sens du terme.
Et qui sait ?
Vous pourriez bien, vous aussi, y revenir pour une boîte. Ou deux.
Des villages autour de Portsmouth… aux mille chemins à explorer
Ce ne sont pas des lieux qu’on a cochés sur une carte.
Ce sont des villages qu’on explore régulièrement, au fil des saisons, parfois sans but précis, juste pour le plaisir de s’y perdre à nouveau.
Parfois c’est pour une promenade entre les vignes, un bol d’air dans les collines, un chocolat belge, ou une flânerie improvisée dans une brocante.
Chaque visite est différente — une lumière nouvelle, un détail qu’on n’avait jamais remarqué, une fleur qui vient d’éclore, un panneau discret indiquant un chemin creux qu’on n’avait jamais pris.
Et si ces cinq villages sont nos préférés, ils ne sont pas seuls.
Un peu plus loin, en poussant vers les collines de la New Forest, en longeant les estuaires vers Emsworth ou en remontant la vallée vers West Meon, on trouve encore d’autres trésors cachés, d’autres hameaux oubliés des guides, où le temps semble avoir ralenti.
Mais ceux-là… ce sera pour une prochaine fois.

La New Forest en automne © French Moments
Pour l’instant, vous avez cinq invitations à sortir de Portsmouth, à quitter les grands axes et à prendre les petites routes — celles qui ondulent doucement entre les haies, qui traversent des bois, des prairies, des villages où l’on entend encore le clocher sonner l’heure du thé.
Et si jamais vous croisez une vieille église, une boutique de fudge, ou une cabane à œufs avec une boîte à l’ancienne pour la monnaie…
Surtout, arrêtez-vous.
Vous êtes au bon endroit.